Il y a cette fille que je connais pas. Son visage

27 juin 2006

Il y a cette fille que je connais pas. Son visage

Il y a cette fille que je connais pas. Son visage creusé, sa peau blanche, ses yeux cernés, ses bras bleus. Cette fille que je ne connais pas, ses chiens qui se chamaillent, et ses lèvres qui me disent, comme ça, à l'oreille :

Tu es toute jeune. Toute jolie. Reste pas ici. Fais attention à toi. Reste pas ici..

Je ne reste pas. Ne t'en fais pas, fillette, je ne reste pas. Partout ou je vais je ne fais que passer. Et je dis oui, je hoche de la tête, j'ai oublié comment ça se prononce, le Non. Je dis oui.

Sous le drap avec la lampe torche j'écris dans ce putain de carnet les histoires qu'on aurait pu vivre, et je ris. On me dit de dormir, et je dis oui. Ici il y a la voix lactée et un vent tiède en permanence, on me dit de savourer ça, je dis oui.

J'ai pris la direction assistée. Il faut que je vous dise : ca n'est plus moi. Il faut que je vous dise, celle qui dit Oui, celle qui se laisse faire, celle qui se laisse toucher les cheveux par des inconnus, celle qui se laisse boire et encore boire, celle qui s'agrippe à vous en riant, celle qui se sert du fait qu'elle ne vous connait pas, ça n'est pas moi. Ou plutôt, si, mais pas comme vous le croyez. Sachez que je ris en dedans. Et je dis oui.

J'ai retrouvé un peu mon arme soeur, fais abstraction du reste, depuis que je me floute. Depuis que je me laisse faire, depuis que je me laisse avaler par le décor, même si je ne me sens plus vivre, même si tout ça, et bien finalement, ça va, les choses se passent, les gens rient. Et moi je dis Oui.

Mais bientot. Bientot je me reveille, bientot je dis Non. Bientôt j'oserais décrocher quand Celle Qui s'affiche sur l'écran, bientôt j'écraserais ce sourire à la con qu'est même pas le mien et qui commence à me démanger le bout des lèvres, bientôt je me quitte.

Et foncer la tête la première, dans le terrier du lapin blanc.

J'ai ma théière sous le bras. J'ai un escalier orange qui n'attend que de voyager en Grèce. J'ai une ombre aux cheveux rouges qui me fait rire et pleurer la nuit. J'ai une mouette peinturlurée qui se prend pour un perroquet. J'ai des tas d'histoires dans les mains, et un feu qui ne s'eteint pas. Mais je garde ça, je crois, pour celle qui depuis le début, y croit en silence, dans sa tête de citrouille. Pour les autres? Ca sera un faux sourire bien frais s'il vous plait !

Faites de la place dans vos mirettes, nous on vous ramène le soleil.

Da Silva : Les fêtes forraines.

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