Et j'en oublie la mienne.
[ Parce que, je ne vous ai pas dis ? J'écris des histoires encore, des fois. ]
Le problème lorsqu'on écrit, c'est qu'on en oublie de parler. Avoir les mots, c'est une chose, les faire sortir en est une autre. Le problème lorsqu'on écrit, c'est qu'on a constamment l'impression d'avoir tout dit. C'est un peu vrai, mais ca ne va pas. Ca ne va pas, parce qu'écrire, c'est parler aux sourds. Et on en oublie le reste.
Je ne sais plus. Ca peut paraitre stupide, mais je m'oublie. J'écris et je m'oublie. J'écris, toujours, sans cesse, j'écris des histoires que je n'ai jamais vécu, des plus belles aux plus tristes, des plus héroïques aux plus minables. Et j'oublie le reste. J'écris l'histoire du monde, j'oublie d'écrire la mienne. Alors quoi? J'ai écris cent fois, mille fois des "je t'aime" les plus beaux et les plus sincères de l'unviers, mais jamais je ne les ai ressenti, jamais ma bouche n'a prononcé les mots. J'ai écris cent fois, mille fois "je te hais", mais je suis incapable, putain, incapable d'haïr qui que ce soit.
Je suis l'aveugle au milieu des sourds. Je lance des mots que personne n'entends, en dehors de mon cahier à spirales Super Conquérent à la con, et j'oublie que le monde existe, je ne vous vois plus, je vous assure, je ne vous vois plus... Je suis l'aveugle au milieu des sourds.
Et voilà, ca fait une vingtaine d'années que j'écris, et ce qui devait arrivait, arrive. Mes doigts se crispent sur le crayon, je suis en train d'écrire la mort d'uen certaine Agath, noyée par une sirène. J'écris, j'écris ce qu'on ressens lorsque l'eau remplace le souffle, que les poumons étouffent, que la gorge se bouche, que la bouche se gorge, d'eau. J'écris les dernières secondes d'Agath, lorsque, lentement, les doigts qui tiennent le crayon s'éffacent, ma main, mon bras, mon épaule disparaissent sans mot dire, là comme ça sans prévenir.
Le problème lorsqu'on écrit, c'est qu'on oublie le reste.
Mon torse s'éfface, mon bassin, mes jambes...
J'écris l'histoire du monde, et j'en oublie la mienne. Non je n'ai pas d'histoire, et qui n'a pas d'histoire, n'a pas d'existence.
Je m'efface. Je..
Fin.